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Chroniques d'une jeune agrégé en stage

Réactions à la Chronique 4: Message engagé de Jean Antelme

 

La 4ème chronique de Cécile a fait couler beaucoup d'encre, mais dans le bon sens. Il s'agissait d'une sorte d'appel de détresse face à une situation difficile (et inadmissible: que la personne qui l'a affecté dans un lycée technique parisien prenne ses responsabilités et sorte de son bureau feutré!)

Cécile a reçu de nombreux témoignages et de nombreux messages d'encouragements, que nous reproduisons ci-dessous, pour que toutes les Céciles qui n'ont pas l'occasion de parler sachent que la communauté des profs d'anglais se serre les coudes! Chaleureux remerciements à celles et ceux qui ont contacté Cécile et dont les témoignages suivent.

Pour tout contact, voyez directement avec Cécile: CECILEROSSIGNOL@aol.com 
ou sur le forum du Projet Albion                                                                                    | ARCHIVES |


Bonjour Cécile,

Non, tu n'es pas seule. Je viens de lire ta chronique magnifique relayée par
L. Henneton et un collègue de Montauban avec qui je corresponds, Jean-Paul
Alquier. Elle est très touchante et je peux t'assurer que personne n'aura
envie de se moquer de toi. J'ai 25 ans de métier et cet après-midi, dans mon
petit bahut calme des Vosges lorraines j'ai eu envie de pleurer, comme ça,
devant mes élèves.

Je n'avais plus organisé de voyages depuis 5 ans à cause d'un proviseur
emmerdant, et je viens d'obtenir ma mutation pour un bahut à 25 kms de chez
moi. J'y suis tellement bien que je retrouve mon enthousiasme de jeunesse,
lorsque j'ai débuté dans la banlieue industrielle de Thionville. Donc je me
suis promis de refaire un voyage en Angleterre et j'ai choisi mes Troisièmes
LVI. Eh bien, dis-toi qu'au bout d'un mois, malgré une lettre aux parents,
ils me salopent mon cours chaque vendredi après-midi, considérant que comme
l'établissement est fermé le samedi c'est déjà le week-end. Si je donne le
moindre travail à faire pour dans 4 jours, j'ai droit à des protestations
( je le sais, c'est dû en partie au prof précédent qui passait son temps à
raconter sa vie démagogiquement).

Bref, aujourd'hui j'ai pété les plombs: je m'étais dit que le vendredi je
ferais plus "light" et, comme la dernière fois ils avaient prononcé le mot
MONEY "moneille", je leur avais demandé s'ils connaissaient la chanson de
Abba, "Money, money, money" ...

Ils connaissaient l'air. Du coup j'ai passé une heure à la préparer et à la
mettre en page. Résultat, au bout de quelques minutes une petite garce m'a
dit: On s'en fout du sens, M'sieur, on veut juste la chanter. Au bout de six
minutes j'avais tellement le bordel avec ceux de devant qui jouaient avec
une trousse, ceux de derrrière qui bavardaient et ceux de gauche qui
gigotaient sur leur chaise, que j'ai pris ladite trousse et l'ai virée par
la fenêtre (il fallait vraiment que j'en aie marre, parce que c'est pas mon
genre). Cela a jeté un froid. Mais pas plus de dix secondes.

Devant l'apathie et même l'indifférence générale (non, c'est inexact: les
deux-tiers de la classe sont gentils et ne demandent qu'à bosser, mais nous
sommes au pays de la tyrannie des médiocres. La majorité silencieuse est
considérée comme de la merde par nos gouvernements successifs, qui
continuent leur criminelle démagogie du collège unique, au risque de rendre
fous les profs et de leur faire fuir la profession)... devant l'apathie et
l'indifférence à ce que je pouvais leur apporter, j'ai déclaré que
j'abandonnais l'idée du voyage en Angleterre.

Cela m'a fait vraiment mal, car j'ai vu la mine défaite des élèves sérieux,
incrédules. Moi qui considère toujours que l'éducation que nous donnons à la
jeunesse doit être pleine de vertu et donner le goût de l'effort, je me suis
pris une claque de plus. Mais les parents sont veules et nos gouvernants
mettent leurs gosses à l'Ecole Alsacienne...

Résultat des courses, je vais me consoler avec mes petits sixièmes
européens, qui en un mois ont autant appris que mes troisièmes en six. Avec
eux je parle anglais tout le cours et je prends mon pied.

Mais toi, ma pauvre Cécile, tu n'as pas la chance de pouvoir regonfler ton
énergie avec des gens intéressés et courageux. Je te plains du fond du coeur
et n'ai guère de solution à t'apporter. Le métier te donnera des trucs et
des recettes, c'est sûr, mais tu devras en baver d'abord, jusqu'à ce que tu
obtiennes une mutaion pour l'établissement dont tu rêves.

Nos ministres bedonnants et bien nourris se rendent bien un peu compte que
nous envoyer dans la cage aux fauves est du pur sadisme mais ils sont
englués dans leurs campagnes électorales et une administration obèse. Et tu
sauras que la population jouit de voir les profs en baver, ces salauds qui
ne foutent rien et ont quatre mois de vacances (mon beau-frère camionneur
n'était-il pas l'autre jour en train de nous casser publiquement du sucre
sur le dos dans la salle d'attente de son médecin).

Cécile, je crois que ton courrier si touchant devrait être adressé également
au ministère. Il faut rapidement mettre en place un numéro vert "Allo, profs
maltraités" (je ne plaisante qu'à peine).

Si tu veux y ajouter ma lettre, je t'en donne l'autorisation. Je suis à 13
ans de la retraite, ai la note maximum en administration et pédagogie, et
n'ai plus rien à perdre. Mon soutien est donc facile à te donner.

N'hésite pas à me contacter si tu as besoin de sym-patein,

Amitié

Jean Antelme


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Dernière mise-à-jour: 16/12/2001